Allons-nous au casse-pipe ?

Démographie, consommation et ressources

La population mondiale s’est accrue rapidement depuis 1800, où elle était encore proche d’1 milliard d’individus. En novembre 2018, nous dépassons 7,66 milliards. Mais la situation varie beaucoup selon les pays. D’autre part, on assiste à une diminution rapide de la fécondité (nombre d’enfants viables par femme), ce qui fait espérer une stabilisation de la population mondiale. En 20 ans, on est passé de 5 à 2,5 enfants. Le simple remplacement des générations exigerait un taux de 2,1 (mais cette valeur semble excessive : 1,85 suffirait d’après un texte de Nature, 473, n° 7346, page 125, 12 mai 2011). Mais même si cela avait été réalisé dès 2009, la population atteindrait 8,2 milliards en 2050. Le récent rapport de l’ONU (World Population Prospects. 2015 Revision) prévoit 11,2 milliards pour 2100, 9,7 milliards pour 2050 (http://esa.un.org/unpd/wpp/Publications/Files/Key_Findings_WPP_2015.pdf). Son graphique (ci-dessous) présente quatre scénarios. La prise de conscience des citoyens de certains pays et les facilités qu’on leur donnera pour contrôler leur fécondité peuvent jouer un rôle. L’un des facteurs essentiels pour parvenir à réduire la fécondité est l’éducation des filles. Le deuxième graphique ci-dessous montre que le nombre d’enfants diminue lorsque le niveau des études augmente :

Le Club de Rome

Association privée internationale, fondée le 8 avril 1968 lors d'une première réunion à Rome, par une poignée de scientifiques et de décideurs, qui souhaitaient que la recherche s'empare du problème de l'évolution du monde pris dans sa globalité pour tenter de cerner les limites de la croissance.

Son premier manifeste, « Halte à la croissance », achevé dès 1971 aux USA et publié en 1972 en Europe, eut un grand retentissement, en attirant l'attention sur les limites du développement. Il fut rédigé par une équipe de chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (ou MIT), dirigée par Dennis Meadows et constituée pour l'occasion, à la demande du Club de Rome. Il serait donc plus juste d'appeller « Rapport Meadows & al. » ce document, couramment désigné sous le nom de « Rapport du Club de Rome ». C'est un document de synthèse, présentant leurs essais de modélisation mathématique de la croissance démographique et économique de l'humanité, en fonction des ressources terrestres présumées et des relations supposées entre toutes ces variables.

Ce rapport démontre que la croissance matérielle conduit forcément à une diminution brutale de la population, accompagnée d'une dégradation significative des conditions de vie des survivants (baisse importante du produit industriel par tête, du quota alimentaire par tête, etc), même en étant très optimiste sur leurs progrès technologiques, leur aptitude à recycler ou économiser les matières premières, et à contrôler la pollution. Ces chercheurs ont fondé leurs calculs sur les réserves connues en 1970, multipliées par 5, ce qui, pour le pétrole, amène à des réserves 2000 supérieures à la réalité constatée à cette date ! L'effondrement démographique était prédit avant 2100. On pourra lire un certain nombre d'analyses plus récentes, souvent critiques.

Son deuxième rapport, « Stratégie pour demain », proposait des mesures adaptées à chaque région du monde, compte tenu des inégalités régionales.

Le troisième rapport, « Nouvel Ordre économique mondial », connu sous le sigle RIO (Reshaping the International Order), traite de l'élimination des inégalités qui existent dans les relations entre nations et entre groupes sociaux. En 2012, le 40e anniversaire du Club a rappelé l’imminence de la décroissance globale (club_de_rome_2012.pdf).

Leur appel à une « croissance zéro » a été fortement critiqué. Il était (et demeure) en totale contradiction avec l'idée de progrès défendue par l'ensemble de la classe politique et avec les principes natalistes de quelques religions. Il faut rappeler, sur ce point, la vigueur des oppositions à l'encyclique « Humanae vitae » du pape Paul VI, publiée en juillet 1968, qui refusait la contraception. Le contrôle des naissances est devenu un objectif essentiel pour les couples de tous les pays évolués, en accord avec les recommandations du Club de Rome.

Le Club de Budapest (1993) est une émanation du Club de Rome, animé par des artistes et des philosophes.

Ces associations d'intellectuels tentent d'influencer les gouvernements dans le sens d'une meilleure coopération mondiale.

En guise de conclusion…

Si Malthus (1798) ne disposait pas encore des outils nécessaires (informatique, modélisation, calculs intensifs), et si l'économie reste encore de nos jours une « science » bien peu exacte, les défenseurs de l'environnement sont informés des dégâts croissants occasionnés par l'expansion humaine aux milieux naturels et aux ressources les plus indispensables à l'homme (les terres arables, en premier lieu). L'hypothèse de l'origine anthropique du réchauffement climatique (www.journaldelenvironnement.net/article/climat-le-monde-plus-4-degres,31723) observé depuis un siècle à l'échelle planétaire ne fait plus de doute. Nous devons prendre sans tarder toutes les mesures nécessaires pour atténuer cette menace, qui est globale et durable (il faudrait des siècles pour revenir à la normale). Dans ce contexte, l'accès des pays les plus peuplés (Chine, Inde) à un niveau de consommation supérieur ne peut qu'aggraver la situation : augmentation des besoins en matières premières (métaux, hydrocarbures, bois, etc.), en eau potable et en nourriture, avec des pollutions aggravées. Or, l'agriculture intensive apparaît déjà comme non soutenable par sa consommation abusive d'énergie sous forme d'hydrocarbures (mécanisation, fabrication des engrais), de minéraux peu abondants (phosphates), et par la pollution de l'eau et des terres qu'elle engendre (métaux lourds, présents dans les engrais à l'état de traces et accumulés dans les sols– pesticides).

Qui prendra les mesures nécessaires ? La conférence COP21 (Paris, 2015) n’empêchera sans doute pas la catastrophe climatique et démographique prévisible (voir ma page www.jeanmellinger.com).


Jean MELLINGER

Mis à jour le 9 novembre 2018


Téléchargements :


L’augmentation de la température diminue la productivité et accroît les inégalités entre pays (article de Nature, 2015 - 9 Mo) (effets_de_la temperature_sur l_economie.pdf)

Le PIB mesure-t-il notre bonheur ? (pib.pdf, 24 Ko)

Extrait de la conférence de Nicolas SARKOZY à Monaco, 19 juin 2014 : « Si demain je parlais aux Nations-Unies, je parlerais démographie mondiale » (sarkozy_monaco_19_6_2014.pdf, 41 Ko)

Article dans Le Point, 2019 : l_humanite_va_decliner.jpeg


Lectures :

Hugues STOECKEL, 2012. – La faim du monde. L’humanité au bord d’une famine globale. Max Milo.

Jacques-Yves Cousteau (1910–1997) et l'équipage de son navire océanographique La Calypso (ancien dragueur de mines, qu'il a racheté en 1948) ont, par leurs films documentaires, diffusés à la télévision, permis au grand public du monde entier de connaître la vie des océans et des grands fleuves, et les menaces qui planent sur eux. Sa campagne (1959-1982) en faveur du classement du continent Antarctique comme « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science » fut décisive. Il a le premier tiré la sonnette d'alarme pour la protection de la Méditerranée. Il nous a laissé le slogan fondamental du « développement durable » ou, mieux encore, du simple bonheur de vivre :
« Léguer aux générations futures une Terre où il f(er)ait bon vivre »

Paul R. Ehrlich (né en 1932), professeur à l'Université de Stanford, Californie, est un écologiste, spécialisé dans la dynamique des populations d'insectes, en particulier des papillons.

Sa prise de position violemment malthusienne, en 1968, dans le fameux ouvrage sur la « Bombe Population » (The Population Bomb), ont défrayé la chronique. Ses prédictions imprudentes ont complètement déconsidéré les économistes malthusiens, ce qui est très grave pour l’avenir de l’Humanité. L'accroissement de la population constitue véritablement un handicap pour les États qui ne parviennent pas à la freiner suffisamment, car on ne peut plus éduquer, soigner, nourrir et loger tout le monde. Ce qui peut aboutir à des guerres civiles et à des émigrations massives, sources de conflits avec les voisins.

D’après l’ONU (2015), les pays les plus pauvres sont condamnés à subir cette déchéance. Sur 48 pays sous-développés, 27 sont en Afrique. Dix de ces derniers vont inévitablement quintupler leur population d’ici 2100.


Consultez le site Worldometers, qui calcule la population mondiale en temps réel et donne bien d’autres évaluations intéressantes

L'Association pour l'Étude du Pic du Pétrole et du Gaz
(Association for the Study of Peak Oil&Gas, ASPO)

Organise annuellement un colloque sur l'épuisement du pétrole. Hubbert, géophysicien de la compagnie Shell, avait prédit en 1956 que la production de pétrole aux États-Unis allait culminer en 1970, en se fondant sur la courbe des découvertes, décalée de 30 ans. À son époque, sa prévision s'est avérée juste. La « courbe de Hubbert » est du type « courbe en cloche » (loi normale, en statistique).

Comme Hubbert, Jean Laherrère [http://www.oilcrisis.com/laherrere/isib] a effectué une analyse au niveau mondial, en tenant compte de l'ensemble des hydrocarbures exploitables. Le pic de la production était prévu pour 2010-2015, sauf si la consommation baissait brutalement comme après le choc pétrolier de 1979. Les réserves de pétroles et de gaz accumulées pendant plus de 500 millions d'années risquaient donc d'être consommées en deux siècles !

Cette situation n'indique pas que nous nous préparons à entrer dans le monde de Mad Max, mais que le prix du pétrole va augmenter, entraînant une distorsion de l'ensemble des prix car nous sommes toujours dans une société basée sur la consommation énergétique, depuis la première révolution industrielle. Bien que l'intensité énergétique, c'est-à-dire la quantité d'énergie nécessaire à la production de 1000 dollars de Produit Intérieur Brut (PIB), ait baissé, la quantité totale consommée a augmenté.


Mais la perspective d’un pic de consommation et donc d’une pénurie dramatique des hydrocarbures est remise en cause par les récentes prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) (http://www.journaldelenvironnement.net/article/le-peak-oil-c-est-fini,31145) (novembre 2012). Les progrès de l’exploitation pétrolière et gazière, en particulier, le succès de l’extraction des gaz et des pétroles de schistes en Amérique du Nord semblent devoir éviter cette pénurie. Dernière chance pour l’humanité ? Autre article (2015) : http://www.journaldelenvironnement.net/article/un-prix-fort-du-carbone-sinon-rien,63594?xtor=EPR-9


La décroissance volontaire

Dans ce contexte, de nouveaux concepts apparaissent comme ceux de décroissance soutenable [http://www.decroissance.org/textes/latouche.htm] ou de croissance sobre, qui préserverait le capital naturel. L'économiste Nicolas Georgescu-Roegen est le père de la notion de décroissance.

L'association NégaWATT (http://www.negawatt.org/) propose un scénario pour les années à venir.

En 1997, dans un nouveau rapport commandé par le Club de Rome, « Facteur 4 »  (éd. Terre Vivante), Ernst U. von Weizsäcker, Amory B. Lovins et L. Hunter Lovins ont proposé de donner à l'ensemble des hommes « deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources », ce qui signifie une augmentation par 4 de la productivité. On peut demeurer sceptique. Le dernier livre paru (2008), celui de Vincent CHEYNET (Le choc de la décroissance. Seuil), est à cet égard très convaincant.

Ce thème a fait l’objet d’un article dans Nature 468, 370–371 (18 November 2010) : Peter A. VICTOR (http://www.pvictor.com/MWG/Home_MWG.html), auteur de Managing Without Growth: Slower by Design, Not Disaster. Edward Elgar, 2008.

Michel Onfray, 2015 (Le Figaro)

« Si un démographe travaille sur les taux de fécondité, il n’a pas encore produit un seul chiffre qu’il est déjà suspect de racisme. Nombre de questions sont désormais devenues impossibles à poser. Comment dès lors pourrait-on les résoudre ? Interdire une question, c’est empêcher sa réponse. Criminaliser la seule interrogation, c’est transformer en coupable quiconque se contenterait de la poser. »